Écologisation des sports de nature
Critique de trois modèles et retour empirique
Cet article fait suite au poste inaugural « Pourquoi s’intéresser aux sports de nature ? » où notre intérêt insatisfait et notre insatisfaction intéressée pour les usages récréatifs de la nature nous a mené à entreprendre une revue de la littérature des travaux en sciences sociales abordant le développement contemporain des « sports de nature » à partir de la notion d’écologisation.
Initialement pensé comme un projet en deux parties, la plus grande partie de ce document est dédiée au commentaire d’une première génération de travaux publiés entre 2001 et 2011 ; ce qui devait constituer la seconde partie a finalement été compilé et est présenté ici, à la suite d’une première conclusion, sous la forme d’une note additionnelle où l’on s’attachera à tirer leçon de nos lectures.
Table des matières
- 1. Le culte contemporain de la nature
- 2. Le paradigme des «sports de nature»
- 3. La fonction sociale de la catégorie des «sports de nature»
- 4. Les formes culturelles des pratiques récréatives de nature
- Première conclusion ou conclusion factice
- Note additionnelle du 31/12/2024 : synthèse et conclusion véritable
1. Le culte contemporain de la nature
Chez Bernard Kalaora, l’écologisation désigne un processus de transformation des représentations de la nature, de ses usages et des pratiques d’aménagement1. Cette transformation, c’est dans ses termes la transition, à l’échelle de la société dans son ensemble, d’un «imaginaire prométhéen moderne», propre aux sociétés industrielles d’après guerre, à un «nouvel imaginaire social de la protection». Parce que l’écologisation transforme nos usages, elle redéfinit le sens de nos activités physiques et de nos loisirs : les pratiques de nature ne seraient plus autant pratiquées dans une optique de conquête symbolique ou de distinction culturelle, mais dans le cadre d’une recherche d’épanouissement personnel - s’éclater, se défoncer, se fondre - dans «une nature sanctuaire et protégée» guidée par «un désir romantique de "polysensorialité"» : il s’agirait alors «d’éprouver la nature par tous les sens, de faire corps avec elle». À cette époque, Kalaora remarque une certaine ambivalence dans ce nouveau besoin de nature : la nature des pratiquants d’activités sportives et de loisirs doit être à la fois perçue comme sauvage et sécurisée, aménagée pour l’usage et la contemplation.
Cette théorie présente en outre un cas très direct d’une articulation opérée entre, d’une part, un regard écologisé, c’est à dire rendu sensible à la dégradation, l’exploitation, la pollution de l’environnement (l’imaginaire social de protection), et d’autre part, la recherche d’une expérience de l’environnement renouvelée, plus «authentique», plus directe, plus intense (le désir romantique de «polysensorialité»), qui irait jusqu’à brouiller les frontières entre l’individu et son milieu (se fondre).
En fait, Kalaora nous raconte que le souci croissant lié à l’introduction dans nos sociétés du thème de la crise environnementale et climatique a menée à la naissance d’un nouveau désir ou «besoin de nature», puisque c’est cette expression qui a été retenue, un souci qui aurait trouvé son expression non pas dans la transformation ou le renversement de nos régimes politiques, mais dans l’essor d’un nouveau type de loisirs, une nouvelle organisation du temps et de l’espace du non-travail tournée vers la recherche d’un rapport enchanté à la nature, loin des centres urbains.
Présentée comme tel, l’écologisation de Kalaora est conçue comme un phénomène global, observable à l’échelle de l’ensemble de la société sous la forme d’une transformation du sens commun. Il s’agit donc de la caractérisation d’un certain air du temps, un Zeitgeist, qui à lui seul nous informe assez peu sur la mise en politique, le rôle, l’interprétation, l’appropriation, les résistances des agents, collectifs et institutions dans ce processus d’écologisation.
L’article en lui-même ne laisse pas vraiment de prise argumentative à la lecture. L’auteur y décline, presque sur le ton de la proclamation, les caractéristiques et les conséquences d’un nouvel «imaginaire» de la nature, un principe vague, transformant la société dans son ensemble, redéfinissant radicalement le sens et les valeurs de ses loisirs au point de rendre selon lui entièrement caduque la lecture bourdieusienne des pratiques culturelles, ici réduite à un soucis de «paraître».
Cette façon de prophétiser le maintenant, d’avancer sans argument l’existence de ce qui serait une nouveauté radicale nécessitant ici un changement de paradigme dans les sciences sociales vers une nouvelle approche «phénoménologique», ressemble beaucoup à ce que Jean-Claude Passeron qualifiait «d’excès de vitesse»2. Dans son article dédié au «nouveau» comme concept sociologique, Passeron invite les sociologues à manier les constats de nouveauté avec la plus grande prudence : face à un objet inattendu, ralentir ! Selon lui, la référence intempestive au «nouveau» se présente comme un «tic théorique» caractéristique d’une certaine «sociologie littéraire», une pathologie qui semble se manifester plus encore lorsque qu’on traite de sujets communément associés à la «culture de masse» comme le sont souvent le sport et les loisirs.
Dans l’excès de vitesse, le sociologue de l’actualité se rend coupable d’un emballement devant le surgissement de l’inconnu qui le mène à formuler des concepts exclamatifs et vide de sens. Passeron voit dans ces conceptions hâtives l’introduction en sociologie d’un scheme d’intelligibilité construit sur le modèle des ères géologiques : on parle de cataclysmes, d’émergence, de mutations, dont l’avenue bouleverseraient les fondements de nos sociétés au point de rendre obsolète tout ce qui a précédé la grande transformation. À l’inverse, Passeron avance que «les cultures ne changent pas de structure comme de chemise» : la nature des changements historiques est multi-determinée sur le temps long et l’on ne peut évaluer l’importance, le volume et l’unité d’un changement sans comparaisons méthodiques et une attention similaire portée aux continuités historiques.
Après avoir dit ça, je me rend compte qu’on ne peut pas simplement jeter Passeron sur Kalaora et passer à autre chose. Ici, j’ignore volontairement ses autres travaux et la démarche dans laquelle ils s’inscrivent pour extraire de cet article un modèle d’écologisation qui pourra me servir de point de comparaison.
Précisons donc tout de même que Bernard Kalaora est un nom important de la sociologie de l’environnement, dont il a pas mal participé au développement en France en y défendant, à la fois contre une sociologie critique purement académique, et contre une sociologie experte, mais détachée de la société civile, une approche ethnographique inspiré de Le Play, qui fait du sociologue un «ingénieur social» engagé dans «une pratique de recherche à moyenne portée théorique, prescriptive et instrumentale, dont le but est d’éclairer les mécanismes d’adaptation, de résistance ou d’innovation des acteurs sociaux face aux problèmes d’environnement.»3.
Notons également, pour faire un parallèle avec notre histoire, que Kalaora s’inscrit dans la continuité d’autres auteurs pour qui l’irruption des thèmes environnementaux et écologiques dans les années 70 dans les sciences sociales, aussi bien en sociologie avec le New Environmental Paradigm de Catton et Dunlap4, qu’en anthropologie, plus récemment, autour d’un nouveau «tournant ontologique» désignant entre autres les travaux de Bruno Latour et Philippe Descola, devait correspondre à une révolution paradigmatique d’ensemble, censé rompre avec les fondements anthropocentriques de ces disciplines.
Sans pour autant fermer la porte aux innovations théoriques et conceptuelles, ce débat n’a plus vraiment lieu d’être aujourd’hui. Le recul observé depuis, et les relectures des auteurs classiques tendent plutôt à démontrer que ni les sociologues ni les anthropologues n’ont attendu le développement d’une sociologie de l’environnement ou d’un «tournant ontologique» pour inclure des facteurs biophysiques à leurs raisonnements et théories ; qu’il a existé par ailleurs au-delà des classiques, des sociologies laissées aux marges de la discipline et qui prenaient déjà à corps les problématiques environnementales ; Le Play en est un exemple. Plus encore, la sociologie rurale traite sans retenue de questions environnementales depuis ses débuts. De même pour l’anthropologie, dont les développements contemporains sont bien mieux caractérisés par «la prise de conscience des profonds biais ethnocentriques que le recours à des catégories philosophiques occidentales faisait peser sur les analyses», plutôt qu’une extension inédite de son objet au-delà des sociétés humaines. En ce sens, les positions de Kalaora et des penseurs du «nouveau paradigme environnemental» au sens large semblent se fonder sur une interprétation radicale de l’autonomie du social durkheimienne qui n’a jamais été vraiment effective 5,6.
2. Le paradigme des «sports de nature»
Olivier Bessy et Michel Mouton reprennent l’idée d’une écologisation des «sports de nature» à partir d’un historique de leurs appellations successives dans la langue courante, chacune représentant un certain paradigme de statut, de représentations, d’enjeux et de relations des pratiquants à leur environnement7.
Avec la naissance du sport moderne viennent les «pratiques de plein air» ; conception hygiéniste qui considère une relation utilitaire à la nature, contribuant à la santé et un idéal de vie loin des grands centres urbains ; puis viennent les «activités physiques de pleine nature» (APPN) où la nature devient le terrain de jeu d’une motricité ludique, fondée sur le contrôle de soi dans des situations de prises de risque relatives, liées à l’incertitude plus ou moins grande des milieux. Les auteurs divisent les APPN entre les pratiques à destination du grand publique, motivé principalement par la recherche de bien être dans une nature aménagée, et les pratiques dîtes «extrêmes» destinées à une élite sportive à la recherche de sensations fortes dans une «nature sauvage».
La transition des pratiques de plein air aux activités physiques de pleines nature, située par les auteurs dans les années 90, marquerait le passage d’une nature passive qui agit sur l’organisme, à une nature vivante à domestiquer et à explorer dans tous les sens. Enfin, les «sports de nature» représenteraient depuis le tournant des années 2000 le paradigme de la massification des pratiques de nature, leur intégration progressive à l’offre touristique et donc l’apparition de nouveaux enjeux de développement pour les territoires ; un développement qui, bien entendu, se devra d’être durable ! Le paradigme des sports de nature marque en effet l’intégration nette des activités physiques et touristiques à la logique du développement durable, ou du moins, le développement durable, surtout convoqué pour signifier la prise en compte d’un objectif environnemental, devient un élément omniprésent dans la communication des acteurs du sport et de l’aménagement des territoires. Pour ce qui est du rapport des pratiquants à l’environnement, le paradigme des sports de nature verrait l’apparition d’un nouveau «besoin de nature» déjà mentionné par Kalaora ; un besoin qui s’exprimerait désormais par le désir du sportif de s’intégrer dans son milieu de pratique.
Le «plein air», les «activités physiques de pleine nature», puis les «sports de nature» contemporains représentent ainsi trois conceptions successives, qui ensemble rejoignent et complémentent tout à fait le processus décrit par Kalaora, mais dans une formulation alternative, qui semble déjà représenter une perspective plus gestionnaire ou engagée auprès de son objet et qui je pense s’explique surtout par le fait que ces deux articles ont été publiés dans des revues d’ampleur et d’ambitions très différentes, à savoir Ethnologie Française pour l’article de Kalaora et La revue EPS pour l’article de Bessy & Mouton.
En effet, là ou l’analyse de Kalaora portait surtout sur l’évolution du besoin de nature des pratiquants, la caractérisation abstraite de l’imaginaire de protection de la nature et ses supposées conséquences épistémologique, le portrait des «sports de nature» dressé par Bessy et Mouton présente plus explicitement certains déterminants et conséquences du processus d’écologisation : Du point de vue des sports de nature, l’écologisation du sens commun correspond voire se confond entièrement avec un processus de démocratisation et de massification des pratiques outdoor, duquel procède l’intégration aux offres touristiques, des nouveaux enjeux de développement économique pour les territoires et la nécessité de construire de nouveaux aménagements, qui eux-même viennent interroger le nouvel imaginaire de protection et les peurs liées aux répercussions des activités humaines sur les environnements naturels.
En somme, le souci environnemental propre à l’imaginaire de la protection décrit par Kalaora serait dédoublé dans le secteur des sports de nature du fait de la naissance d’un nouveau «besoin de nature» qui massifie la participation aux activités de nature. Paradoxalement, le nouvel imaginaire environnemental semble mener à une multiplication des risques d’atteintes aux environnements naturels et environnements de pratique, risques qui doivent donc être pris en charge et gérés par les institutions sportives et les territoires dans leur politique de développement. C’est ainsi qu’apparaît l’idée de la nécessité d’un développement durable des sports de nature.
Voilà le récit désormais familier qui se dégage à ce point de notre lecture. Cependant, malgré la concordance des modèles de Kalaora et de Bessy et Mouton, on échouerait encore à trouver chez ces derniers la présence d’analyses fondées et d’arguments concrets. En outre, la méthodologie proposée pour distinguer les conceptions successives des pratiques de nature, la référence à l’évolution des termes utilisés pour les désigner, pose problème.
Si l’on comprend comme les auteurs que notre vocabulaire n’est pas neutre, qu’au contraire il est un objet d’histoire et donc qu’un changement d’appellation doit avoir des déterminants et une signification historique ; c’est encore une autre proposition que d’avancer qu’un changement de terme – dont il resterait encore à décrire les modalités concrètes – corresponde nécessairement à un changement ou une nouveauté significative dans les pratiques désignées. Croirait-on qu’il suffise de changer le nom pour changer la chose, ou à l’inverse, que toute évolution donne lieu à un changement de terminologie dans le langage courant ? De fait, on ne peut pas vraiment dire que le terme de «sport de nature» et son usage généralisé renferme à lui seul quelque contenu implicite qui puisse nous informer sur de potentielles évolutions globales des phénomènes que ce vocable entend circonvenir. On ne peut donc pas se laisser dicter – du moins pas directement – nos objets de recherche et d’analyse par les termes du langage courant, par les éléments de communication des agents sportifs et de la gestion des territoires, ou encore par le vocabulaire technique en place au sein de ces professions ; ce travail de reconstruction de l’objet ne peut être réalisé que par le sociologue au moyen des méthodes et des outils conceptuels propre à sa discipline8.
Au-delà du problème que représente l’usage de catégories d’analyse importées directement du sens commun, nous sommes une fois de plus confrontés à cette conceptualisation empruntée au schème d’intelligibilité des ères géologiques qui était critiqué par Passeron : Bessy et Mouton présentent la succession abstraite d’une série de paradigmes qui présupposent beaucoup d’homogénéité et dont l’émergence représente à chaque fois une sorte de rupture dont les racines dans le paradigme précédant aussi bien que ses continuités dans le paradigme suivant sont totalement occultées. En outre, comme pour Kalaora, le constat de la massification et de la démocratisation de l’accès aux pratiques de nature semble justifier l’abandon complet de l’analyse en termes de distinction ou même plus généralement de l’analyse des modalités de différentiation des pratiques et des attitudes au sein des disciplines.
Notons tout de même que la caractérisation des typologies de Bessy et Mouton est plus précise que celle de Kalaora, spécifiquement sur la séquence des «sports de nature» où les auteurs perçoivent par exemple un double mouvement dans le rapprochement simultané des pratiques de nature avec le monde sportif compétitif et leur large ouverture en tant que pratique de loisir. Cette dynamique est ignorée par le modèle de Kalaora, qui renvoyant la compétition à l’imaginaire prométhéen d’après-guerre, se ferme à toute compréhension des dynamiques sportives contemporaine.
Je pense à présent avoir assez bien démontré ce que les modèles de Kalaora et de Bessy & Mouton ont d’insatisfaisant dans leur quête de saisi du moment culturel. Retenons pour ces derniers la réification théorique de catégories sportives qui les empêche ultimement de répondre à la question qu’ils s’étaient initialement posée, à savoir comment la catégorie des «sports de nature» s’est imposée dans le discours public, plus particulièrement dans les discours relatifs à la réglementation des pratiques, à l’aménagement des espaces et au développement durable des territoires.
3. La fonction sociale de la catégorie des «sports de nature»
Avant de commenter un troisième et dernier modèle d’écologisation, j’aimerais présenter les résultats d’une étude de synthèse publiée en 2017 sous la forme d’un petit bouquin intitulé «Les “sports de nature” : Une catégorie de l’action politique en question»9 et dont les trois auteurs – Laetitia Audinet, Chistophe Guibert et Arnaud Sébileau – s’attachent justement à interroger le bien-fondé de la catégorie de sport de nature. Les «sports de nature» représentent-ils une catégorie analytique pertinente pour les sociologues ? Si non, comment justifier son usage scientifique et politique ?
À partir de l’exploitation de trois enquêtes réalisées dans la région des Pays de la Loire et l’ancienne région Aquitaine, auprès de groupes de pratiquants, d’organisateurs, d’éducateurs sportifs, de gestionnaires de sites, et plus indirectement auprès de commanditaires publiques d’enquête sur les «sports de nature», ils arrivent à la conclusion que la catégorie de «sport de nature» est avant tout une prénotion dotée d’une fonction sociale. Détaillons plus en avant les résultats de ce travail.
Bien que largement acceptée, la pertinence descriptive de la catégorie «sport de nature» ne va pas de soi. Au contraire, l’enquête des auteurs tend plutôt à démontrer son inefficacité quand il s’agit d’effectuer des rapprochements et des comparaisons sociologiquement fondées entre les usagers de la nature. En effet, la classe des «sports de nature» entend rassembler sous le même vocable une population d’usager en réalité très hétérogène et aux contours mal définis ; des usagers qui sont par ailleurs présupposés «sportifs». En tant qu’objet de sociologie, les «sports de nature» représentent donc une prénotion, un concept juridique importé et propulsé en objet d’expertise par les commanditaires d’enquêtes, sans jamais avoir été reconstruit en tant que phénomène sociologique.
L’utilisation de cette catégorie résulte alors en une «sociologie spontanée» qui ne peut rendre compte que des différences les plus faibles entre les pratiques de nature et les autres activités sportives, car elle se fonde exclusivement sur des différences catégorielles entre les pratiquants – âge, sexe, profession – et des motifs recueillis sur le mode «déclaratif». On peut résumer ainsi les conclusions de cette sociologie : la pratique des «sports de nature» concerne tous les âges de la vie, est corrélée au niveau de vie, de revenu et de formation des pratiquants ; pratiquants motivés par «l’amour de la nature» ; «polysportifs» qui s’adonnent à leurs activités tant en club qu’en dehors. Autant dire qu’on apprend pas grand-chose. Si les conclusions de cette sociologie ne sont pas spécialement fausses, elles ne disent rien de distinctifs de ces pratiques ni ne répondent à aucun enjeu théorique sociologique.
Comment dès lors expliquer l’utilisation généralisée de cette catégorie par les instances de gouvernance des territoires, de la gestion des espaces et des activités sportives ? Selon les auteurs, on ne peut comprendre l’usage de cette catégorie sans s’intéresser à sa «fonction sociale». Le nombre grandissant d’enquêtes et de rapports publics sur les «sports de nature» viendrait moins servir l’intelligibilité sociologique des usages de la nature que l’élaboration d’une communication sociale à leur sujet par les agents de l’État en charge de leur administration, des agents qui ne sont d’ailleurs pas contraints de respecter les standards académiques. En contrepartie, leur compréhension de la population en est rendue très superficielle voire complètement inutile quand il s’agit d’informer les politiques publiques.
La catégorie des «sports de nature» n’est d’ailleurs pas seule responsable de cette faiblesse. La compréhension des populations ciblées par ces rapports est aussi compromise par l’emploi abusif, et assez révélateur de leur perspective institutionnelle, de la distinction entre «pratique libre» et «pratique encadrée» ; là où une hiérarchisation basée sur le sens et la finalité sportive que les usagers accordent inégalement à leur pratique – de la reconnaissance totale de la culture sportive à la relative indifférence voire au rejet explicite – permet bien mieux de rendre compte des rapports de sens et de force qui se jouent au sein de ces espaces de pratiques, presque toujours partagés. Ce cadrage permet par exemple de rendre compte du fait que la pratique des usagers les plus investis par la culture sportive, les compétiteurs, se développent en grande partie en dehors des institutions sportives, ou du moins, celles-ci n’ont pas l’exclusivité du temps de ces pratiquants.
Ainsi, en amalgamant les populations les plus investies dans et par la reconnaissance de l’excellence corporelle (qui ne passe pas nécessairement par la participation à des évènements compétitifs) avec des usagers dont la pratique répond à des enjeux différents, la catégorisation de «sports de nature» occulte l’occupation des mêmes espaces par des individus qui ne s’y engagent pas pour les mêmes finalités, des finalités qui échappent parfois tout à fait à un type de rationalité sportive.
« Évoquer les «sports de nature» comme une totalité excluant les usages non sportifs de la nature, c’est d’une part oublier que la définition même des finalités attribuées à l’exercice corporel est a minima objet d’interprétation diverses, et au plus, enjeux de luttes et de positionnements distinctifs. »9
On comprend donc qu’une meilleure connaissance des populations d’usager passe en partie par une attention renouvelée portée aux finalités de pratique non strictement sportives. On aurait ainsi tord d’ignorer plus longtemps la tendance de nombreux usagers de la nature à se départir dans leurs déclarations des finalités sportives, au profit de l’entretien de certaines formes de sociabilités ou de capital social :
« les enjeux relatifs aux usages de la nature sont inégalement sportifs. Ils sont d’autant moins associés à la concurrence pour l’excellence corporelle qu’ils obéissent à l’entretien et à la recherche de sociabilités dont le support peut être à l’occasion une activité encadrée par un organisme affilié à l’institution sportive »9
Ajoutons à l’entretien des sociabilités la priorité de la sociabilité familiale pour laquelle les usages de la nature représentent une occasion de «centration sur l’entre soi conjugal et privé» ordinairement contrainte par les activités professionnelles et scolaires.
L’enquête des auteurs permet d’identifier deux principales manières antagonistes d’investir la nature, relativement aux finalités des usagers et leurs rapports à l’excellence corporelle. On remarque d’un côté un engagement individuel et assidu dans des activités chronophages qui justifient l’accès et l’exploitation sportive des espaces ; et de l’autre, un engagement collectif dans des pratiques et des lieux plus socialement ouverts et accessibles grâce notamment à la présence d’aménagements publics et de prestataire privés, et qui sont l’occasion d’une concentration sur les relations domestiques, amicales, familiales ou conjugales. On peut aussi noter l’existence d’une position intermédiaire moins courante qui conjugue finalités sportives et entretien de différents types de sociabilités. C’est par exemple le cas des familles très sportives ou des populations qui disposent d’assez de temps pour investir collectivement ces activités, notamment certaines populations de retraités.
Les pratiques des usagers de la nature s’inscrivent systématiquement dans le temps et l’espace du non-travail ; il s’y exprime communément un refus du monde et un désir de communion avec la nature, de mise à distance du quotidien et de rupture avec l’environnement urbain, ses bruits et son encombrement. Les auteurs conçoivent la notion de «rêve de survol social», plus ou moins effectif selon les disciplines, pour désigner la forme aboutie de cet idéal de séparation libératoire de l’individu du monde social, de la société conçue comme lieu d’aliénation.
Prudence, cela dit, face à la constante invocation de «l’amour de la nature» dans le discours des usagers ! Gardons au contraire à l’esprit la pluralité des manières d’entretenir un rapport enchanté à la nature ou d’y trouver des profits symboliques. La mention seule de «l’amour de la nature» n’a en réalité pas grand sens si on considère, d’une part, les attentes distinctes des usagers vis à vis de la nature en fonction de leurs pratiques, et d’autre part, le fait que «l’amour de la nature» ne soit en rien incompatible avec les finalités de pratiques plus sportives ou proche de la recherche de l’excellence corporelle10,11.
Je pense que nous comprenons désormais assez bien le ressort méthodologique de la critique de la catégorisation des «sports de nature». Il s’agit de mettre en avant la pluralité des facteurs que son utilisation – en conjonction avec d’autres éléments comme le recours abusif à la distinction entre pratique libre et pratique encadrée ou encore la référence explicative à «l’amour de la nature» – occulte et qui la rend ultimement inapte à problématiser sociologiquement les usages récréatifs de la nature et informer les décisions politiques concernant leur développement, la régulation des usages ou la gestion des espaces de pratiques.
À ce sujet, on aurait aussi pu développer la façon dont les rapports qui prennent pour objet les «sports de nature» échouent la plupart du temps à produire des préconisations pertinentes car trop générales ; la notion étant incapable de rendre compte de la diversité des configurations sociales au sein desquelles est distribué, de façon très inégale, le pouvoir sur les espaces concernés. Au-delà des configurations locales, les problématiques d’accès et d’occupation des espaces se posent également de manière très différenciée selon les disciplines qui s’y développent.
Maintenant que nous avons précisé la critique des «sports de nature» en tant que catégorie analytique et catégorie de l’action politique, revenons sur cette notion de «fonction sociale» déjà évoquée lorsque nous parlions du rôle communicationnel de la catégorie. Audinet et ses collègues développent l’idée qu’une fois rejeté la pertinence sociologique de la catégorie des «sports de nature», cette taxonomie apparaît avant tout comme un instrument politique d’affirmation d’un pouvoir sur l’offre d’activité corporelle dans la nature :
« L’usage de ce néologisme depuis les années 1990 et 2000 traduit la nécessité, pour ceux qui travaillent à sa définition en même temps qu’à sa diffusion, d’exprimer une rupture, une césure, une nouveauté des manières de faire du sport que leurs anciennes catégories de perceptions ne suffisent pas à recouvrir tout autant qu’il témoigne d’intérêts à ne pas laisser à d’autres les questionnements relatifs à ces transformations aux contours incertains et les réponses politiques et savantes à y apporter »9
Nous sommes désormais familiers avec les caractéristiques déclarées de cette rupture ou de ce «nouvel âge du sport» : diversifications des pratiques, transformation des disciplines préexistantes et multiplication du nombre des pratiquants. Selon les auteurs, cette nouveauté ou ces évolutions – dont il ne s’agit tant pas de nier la réalité que l’interprétation qui en est faite ainsi que l’évaluation de leur importance – cette nouveauté conceptualisée sous la forme des «sports de nature» servirait avant tout à justifier le travail et légitimer l’intervention des agents d’État ayant pour fonction l’aide à la décision politique et le contrôle de l’application des politiques nationales aux échelons décentralisés. C’est ainsi qu’on observe l’explosion de l’intérêt académique pour les «sports de nature», la multiplication des enquêtes commanditées et des rapports ministérielles.
Pour les agents départementaux du ministère de jeunesse et sport, il s’agit de justifier leur position d’interlocuteur, mais aussi d’affirmer et d’étendre leurs fonctions sur d’autres enjeux liés aux pratiques de nature : écocitoyenneté, protection de l’environnement, écotourisme, «développement maîtrisé» des pratiques. Les cadres de la fonction publique de jeunesse et sports ne sont pas les seuls acteurs à profiter de cette catégorisation : l’unification fictive d’une population de sportifs, lorsqu’elle vient à représenter les pratiquants ou des clients, peut aussi servir les intérêts des entrepreneurs associatifs soucieux de faire vivre leur auto-entreprise. Cette population est alors prompte à adopter la sociologie spontanée des «sports de nature» et ses éléments de langage : «nouvelles pratiques», «demande exponentielle», «besoin de nature», etc. Cette observation ne doit cependant pas venir occulter les intérêts concurrents entre acteurs publics et privés puisqu’il s’agit là d’un élément important des luttes de pouvoirs constitutifs des discours sur les «sports de nature» :
« Bien que relevant d’une représentation imaginaire, la classe des «sports de nature» devient performative en ce qu’elle sert à définir et justifier l’action publique contre l’initiative trop exclusivement privée. Que ce soit sous la forme d’une injonction ministérielle à s’assurer de leur «développement maîtrisé», où à l’échelle déconcentrée des services de l’État, à commander une enquête régionale sur les «freins» au «développement maîtrisé» des pratiques ainsi désignées, la défiance envers l’activité «privée» n’est jamais loin. Visant à rendre visible et intelligible les usagers sportifs des sols pour dire ce qu’ils font bien ou mal, ce qui est fait à leur propos en bien ou en mal et qui le fait, la classification «sports de nature» sert in fine à définir ce qui devrait être fait et à désigner qui est le plus habilité à définir ce que devrait être fait. Le «privé» devient alors aisément non seulement le «personnel», mais aussi le «marchand». »9
La catégorie de «sport de nature» prend donc sens dans l’espace des spécialistes de l’encadrement des corps et plus précisément, dans les rapports de force et de sens à propos de la légitimité à l’encadrement des sportifs ou de ceux qualifiés comme tels. Elle fait référence à un ordre sportif qui organise les pratiquants sur une échelle de proximité ou de distance relativement aux institutions sportives, plaçant au plus loin le «pratiquant libre» «sauvage» ou «auto encadré». La reconstruction sociologique nous apprend que cette opposition ne vaut pas, car il est très courant pour les adeptes de l’excellence corporelle de revendiquer ce type de pratique loin des clubs ou même de se défaire dans leur discours de toute association avec les valeurs ou les institutions sportives. De ce point de vue, les régimes de légitimations des pratiquants sont très hétérogènes et pluriels. À l’inverse, les agents faisant régulièrement appel à des prestataires d’offre sportive répondent souvent à des logiques de maintien et de renforcement des sociabilités familiales et conjugales.
Enfin, la catégorisation des «sports de nature» vise aussi à présenter l’éloignement des pratiques de nature par rapport aux institutions sportives traditionnelles, du fait qu’elles aient lieu «dans la nature», comme problématique voire dangereux, et vient ainsi justifier l’intervention des pouvoirs publics sur ces usages qui échappent aux cadres «ordinaires» de la pratique sportive représentée par l’encadrement des fédérations.
De ce point de vue, la diffusion de l’usage de la catégorie des «sports de nature» ne correspond donc pas tant à un paradigme singulier des usages récréatifs de la nature comme l’avançaient Bessy & Mouton, qu’à un moment de réaction et de prise d’intérêt politique de l’État dans un contexte de remise en question de la place des pouvoirs publics dans l’organisation et la gestion des usages de la nature et des espaces qui y sont associés :
« Cette taxonomie montre comment les prétendants à la détention d’un pouvoir normatif et organisationnel sur les sports tendent à formaliser des classifications abstraites de sports lorsque se relâche et est contesté leur emprise sur la définition concrète des cadres spatio-temporels de ces pratiques. »9
4. Les formes culturelles des pratiques récréatives de nature
Jean Corneloup est un autre de ces sociologues qui depuis le début des années 2000 s’attache à étudier et théoriser les évolutions contemporaines des pratiques de nature et leurs liens avec des dynamiques sociales plus larges. Dans un article de 2011 publié dans la revue Développement durable et territoires12 (mais aussi dans des publications ultérieures que je n’ai pas lu), il développe une conception de l’écologisation des pratiques récréatives de nature, non plus à partir de la notion équivoque «d’imaginaire» ou d’appellations issues du sens commun, mais à partir de la caractérisation de «formes culturelles» distinctes et successives.
La «forme culturelle» désigne un ensemble culturel composé de différents «actants» – objets, acteurs, publics – qui participent à définir une culture sportive spécifique. Elle comprend des représentations que l’on peut identifier comme caractéristique d’une époque, les relations construites avec les éléments de la nature, les institutions, les technologies, le matériel, les techniques du corps et les imaginaires. Il semble donc bien qu’on ait affaire avec ces «formes culturelles» à un concept d’idéal-type somme toute classique. Ce simple fait suffit néanmoins à distinguer la théorisation de Corneloup des deux modèles précédemment exposés. Cependant, les «formes culturelles» de Corneloup présentent aussi une certaine ambiguïté ontologique. L’attention portée à la reconfiguration des pratiques dans la transition d’une forme à l’autre, leur dynamisme interne, et l’idée d’une «couche culturelle sédimentaire» qui viendrait se superposer aux formes précédentes de pratiques suggère qu’il ne s’agit pas seulement d’un outil méthodologique d’analyse par comparaison, mais que la forme elle-même serait doté d’une forme de réalité et d’efficacité. Je ne commenterai pas plus ce point théorique qui dépasse un peu trop le cadre de notre lecture, mais gardons quand même en tête cette ambiguïté.
Dans cet article, Corneloup souhaite dresser le portrait de la forme des pratiques de nature, qui selon lui emerge et s’exprime depuis le début des années 2000 en France et qu’il nomme «forme transmoderne». Il faut préciser que la théorisation de Corneloup ne concerne pas uniquement l’écologisation des pratiques de nature, même si elle la recouvre, mais vise plus largement la description plurielle de ces «formes culturelles». Pour cette raison, l’échelle de temps qu’il choisit s’étend sur plusieurs siècles et retrace une histoire des sports assez consensuelle ; L’apport de Corneloup se situerait avant tout sur l’analyse de cette transition contemporaine à la «forme transmoderne». Une fois de plus, l’enjeu théorique principal semble être la présentation d’une forme de rupture ou de nouveauté.
L’historique de Corneloup prend pour point de départ la «forme traditionnelle», organisée autour des jeux traditionnels médiévaux dans la ruralité française, caractérisés par la mise en scène des tensions et rivalités locales, les particularismes régionaux et l’absence de recherche de règles et de normes ; puis succède au début du XIXe siècle, la «forme moderne» qui correspond à la naissance des sports modernes en Angleterre et sa forte dominante institutionnelle et normative exprimée par «l’éthique sportive». Dans les pratiques de nature - alpinisme, spéléologie, kayak, yatching, voile, randonnée – on retrouve les éléments déjà cités par Kalaora et Bessy & Mouton avec le «plein air» : culture énergétique, contemplative et prométhéenne ; volonté de dominer la nature, son corps et les éléments dans un contexte de forte sociabilité masculine au sein de clubs et fédérations alors réservée à une élite culturelle et économique urbaine. À partir des années 1980, la «forme post-moderne» représente une première rupture avec la culture moderne dans le rapport à la nature, à soi et aux institutions. C’est typiquement le développement des «sports de glisses» et le lot d’innovations ludiques, commerciales et technologiques qui suit, la multiplication des imaginaires sportifs et dee «niches culturelles», parfois présentées comme des mouvements de «contre-cultures». C’est aussi le moment d’une première ouverture sociale des pratiques en directions des jeunes, des femmes, des familles, des personnes handicapées et des personnes minorisées. Enfin, les valeurs conquérantes et aventurières de la modernité perdent de leur centralité au profit de valeurs hédonistes et ludiques.
Ici aussi, on remarquera la correspondance avec les modèles précédents, en l’occurrence avec le paradigme des «activités physiques de pleine nature». Cependant, celui-ci est seulement attribué une décennie plus tard, dans les années 90, dans le modèle de Bessy & Mouton. Ces battements entre plusieurs catégorisations historiques ne sont en fait pas très surprenants compte tenu des limites de ce genre de découpage ; c’est une des raisons qui nous poussera à aller lire d’autre types de travaux. Passons à la présentation de la «forme transmoderne» des pratiques de nature dont l’auteur observe l’émergence depuis le début des années 2000.
La moins qu’on puisse dire, c’est que la portrait de la «forme transmoderne» des usages récréatifs de la nature de Corneloup est très détaillée ; l’article cite beaucoup d’éléments qui couvrent ensemble des aspects très divers, tant et si bien qu’il me sera impossible de tout citer ici. En tant qu’idéal-type donc, la «forme transmoderne» se distingue largement des catégorisations commentées jusque là, et sans rien dire a priori de sa pertinence, témoigne au moins d’une proximité avec son sujet qui manquait beaucoup aux textes de Kalaora et Bessy & Mouton ; je me limiterai à relever ce qui se rapporte le plus directement à l’écologisation.
Corneloup aborde à plusieurs endroits le rapport particulier des pratiquants des sports et loisirs de nature aux normes écologiques. Le rapport transmoderne à l’environnement impliquerait une recherche de «cohérence culturelle» entre intérêt pratique et écologique où il s’agirait d’éviter la «dissonance récréative» c’est-à-dire des cas de mauvaise conscience lorsque le récit naturaliste des sports de nature entre en conflit avec la réalité des pratiques. Se pose alors la question des mobilités, de la dépense carbone, du choix des destinations, des modes de transport et des liens économiques avec les populations locales.
Toujours au sujet du rapport aux normes écologiques, la «forme transmoderne» se retrouverait dans une tendance à repenser les liens entre l’ici et l’ailleurs, en œuvrant au réenchantement des lieux du quotidien par la production d’un «ailleurs familier» près de chez soi. Ce point est lié à ce que l’auteur désigne comme une perspective «post-touristique», à savoir le dépassement de la vision selon laquelle le bien être ne peut se concevoir que dans la fuite des pratiques routinisantes et stressantes du quotidien par la recherche d’ailleurs touristique.
Pour terminer, ajoutons à ce portrait l’apparition de recherches de spiritualités écologiques à travers la pratique des sports de nature. L’auteur mentionne à la suite le couplage avec les pratiques du new âge, l’apparition d’un mouvement d’éco-développement personnel et de bien être, l’influence naissante de certains courants philosophiques comme la deep ecology de Arne Naess ou des courants dérivés du transcendantalisme américain de Thoreau et Emerson et qui font écho à l’importance nouvelle donnée aux sports de nature en tant qu’expérience corporelle et écologique complexe, ainsi qu’à ce fameux désir de «fusion» avec les éléments naturels, déjà mentionné plusieurs fois au cours de cet exposé, que ce soit dans l’article Kalaora, celui de Bessy & Mouton, ou encore comme élément récurent du discours et de la communication sur les «sports de nature».
Première conclusion ou conclusion factice
Alors que penser de ces trois modèles d’écologisation des «sports de nature» ? Pour ma part, je suis tenté de voir dans «l’imaginaire sociale de protection de la nature» de Kalaora, dans le paradigme des «sports de nature» de Bessy & Mouton et dans la «forme transmoderne» de Corneloup, des exemples assez criants «d’excès de vitesse» sociologique au sens de Passeron ; rappelons une dernière fois le sens de cette expression.
Chez Passeron, elle désigne un usage inconsidéré du concept de «nouveau» en sociologie, le résultat d’un emballement devant le surgissement de l’inconnu menant à des concepts exclamatifs, abstraits des données empiriques et ne répondant souvent à aucun enjeu sociologique discernable. Dans le cas des auteurs que nous avons présentés ici, ce vice prend surtout la forme d’une tendance à conceptualiser des césures majeures dans l’histoire des loisirs à partir de n’importe quel changement ou à partir d’évolutions dont l’importance et les limites n’ont pas été proprement établies par un travail typologique rigoureux de comparaison. Une solution à cet emballement consisterait à contrebalancer le langage de la rupture en portant une attention plus grande aux continuités historiques et sociologiques. Ainsi Passeron considère que la position du sociologue de l’actualité l’oblige à une «vigilance dissymétrique» :
« il faut à l’historien de la contemporanéité dix bonnes raisons plutôt qu’une avant de conclure à la rupture, à la césure, à la nouveauté. »2
Si le langage de la continuité est globalement absent de nos références, on peut remarquer qu’il y en a bien une qui ne manque pas d’être mentionnée, sans toute fois être développée : il s’agit chez Bessy & Mouton du double mouvement dans le rapprochement simultané des pratiques de nature avec le monde sportif compétitif et leur large ouverture en tant que pratique de loisir ; et chez Corneloup, d’un genre de «relai» entre la symbolique de l’épreuve dans la conquête de la nature, propre à la «forme moderne» et l’infiltration progressive des symboliques compétitives dans les «sports de nature» contemporains.
Il apparaît en effet que l’omission de ce phénomène reconnu de rapprochement entre pratiques de nature et instances compétitives aurait représentée une faille trop évidente de ces catégorisations, qui tendent plus à décrire un mouvement inverse de rupture avec les structures et les valeurs de la modernité industrielle, mais la façon dont il est intégré à nos modèles d’écologisation ressemble bien plus à une forme de mise en théorie préemptive de la contradiction plutôt qu’à une explication satisfaisante. De fait, l’expression de «relaie» employé ici par Corneloup nous fait entrer dans un régime d’ambiguïté entre continuité et nouveauté. Est-il possible d’établir à partir d’un raisonnement historique, un lien entre les deux phénomènes que sont les symboliques de conquête de la nature dans les sports de plein air modernes et le mouvement d’assimilation contemporain des usages récréatifs de nature à une logique sportive compétitive ? Dans tous les cas, le lien établi par Corneloup est purement sémantique : ce qui est «relayé», c’est seulement l’idée vague d’un rapport antagoniste dans la pratique.
Le même soupçon s’applique à la «forme transmoderne» lorsqu’elle est définie comme «un mouvement culturel qui souhaite dépasser la modernité (aller au-delà) tout en effectuant des passerelles avec les formes historiques précédentes.». Ici, l’idée d’une forme caractérisée par des «passerelles» peut être interprétée comme le résultat d’une incapacité à tirer les conséquences des contradictions et des limites de cette catégorisation par ruptures successives, qui mène en fait à conceptualiser les contradictions comme des éléments à part entière de la théorie.
Bien entendu, il ne s’agit pas de dire que les grands modèles idéal-typiques de représentation de l’évolution des contextes historiques sont inutiles ou néfastes à la réflexion sociologique, bien au contraire. Plus encore, je pense qu’une fois désamorcées de leur appareillage théorique, les abstractions détaillées de la «forme transmoderne» peuvent constituer des points de comparaisons intéressants dans le cadre d’une étude problématisée des rapports de pratiquants aux normes écologiques.
Je pense plutôt que ces modèles d’écologisation représentent une sorte de mésusage de savoirs et de concepts issus des sciences sociales. On peut en effet être tenté de voir une forme de malhonnêteté dans cette attitude scientifique qui consiste à reprendre les éléments d’un récit théoriques plutôt consensuel, qui ont fait l’objet d’études sur plusieurs décennies - par exemple on ne remet pas ici en cause ce qui concerne les jeux traditionnels, la caractérisation des sports moderne au XIXe siècle ou même de nombreux point abordés sur les «activités physiques de pleine nature» ou même parmi les «sports de nature» – pour ensuite y adosser son propre modèle de rupture tout neuf en laissant supposer par l’enchaînement une valeur épistémique égale ou similaire. Un autre aspect de ce mésusage des outils des sciences sociales réside dans l’idéalisme qui se dégage de ces modèles théoriques, ici la tendance à transformer ce qui était avant tout des outils conceptuels d’analyse et de comparaison en des catégories qui se manifesteraient directement et de façon efficace dans l’espace social.
« Nous nous sommes peut-être éloigné des sports californiens, les cultures de l’aventure, de l’idéologie des «gagneurs» ou de la diffusion des passions sportives, mais pas forcément de ce qu’on risque toujours de leur faire signifier : plus qu’elles ne disent. Et d’abord qu’il pourrait y avoir quelque unité, culturelle ou sociale, entre toutes ces nouvelles pratiques sportives. Leur coexistence dans l’actualité ne préjuge de rien, sauf à prendre la «modernité» pour une culture de la modernité. »2
Finalement, il faut nous poser la question des enjeux qui président à la production des ces travaux : à quoi sert le captage aérien des particules de «nouveau» ? Ne rabâche-t-on pas aux étudiants en sciences sociales la nécessité d’ancrer leurs travaux dans la construction de problématiques répondant elles-mêmes à des enjeux théoriques et méthodologiques propre (pas moi, je ne suis pas prof eh oh) ? Dois-je me réjouir car Jean Corneloup m’annonce l’arrivée prochaine de l’utopie socialiste décroissante réalisée ici, dans mon club, sous l’eau, en accès direct dans mon Umwelt ? Ou dois je dès à présent préparer mes fiches de lecture pour pouvoir tenir la discussion avec les autres pratiquants, tous devenus ceinture noire en transcendantalisme américain ; pour les convaincre aussi que Murray Bookchin, c’est quand même plus sympa que Arne Næss ?
Avant même de parler d’enjeux ou d’intérêt, on peut peut-être trouver des explications plus générales à l’existence de ces travaux. La dénonciation interne des dérives méthodologiques et théorique des sciences sociales par des figures importantes du milieu n’est pas une chose nouvelle. Nous avons beaucoup cité Passeron, mais le même genre de constat est relayé plus récemment par Bernard Lahire qui n’hésite pas à dire que «l’essayisme relâché n’est pas une maladie de jeunesse de notre discipline, mais bien une pathologie récurrente contre laquelle il faut sans cesse lutter»13.
Mais plus que nous donner matière à formuler des critiques d’ordre méthodologiques et théoriques sur un ensemble de travaux prenant pour objet les «sports de nature», il ne nous aura pas échappé, notamment grâce à l’apport des travaux de Laetitia Audinet et ses deux collègues, que les trois modèles d’écologisation que nous avons présenté et commenté concordent et participent pleinement au récit et aux discours constitutifs de la fonction sociale de la catégorisation des «sports de nature», à savoir, en résumé, ce narratif émanant principalement de la communication étatique, selon lequel le tournant des années 2000 aurait vu émerger une nouvelle forme démocratisée des «sports de nature», recherché par une nouvelle population massifiée de «pratiquants libres» – dangereux électrons échappant au contrôle des fédérations sportives – motivés par un nouveau «besoin de nature», actualisant ainsi la nécessité d’une intervention renouvelée des pouvoirs publics en collaboration avec les territoires, les «gestionnaires et propriétaires de sites» et les «organisateurs d’activités et de manifestations sportives» pour assurer leur «développement maitrisé» et durable.
Nous avons abordé les problèmes politiques et scientifiques posés par l’adoption généralisée de cette catégorisation et la performativité qu’elle démontre : la classe des «sports de nature» est avant tout un instrument politique employé par l’État dans sa lutte de légitimité pour la gestion et l’encadrement des pratiques dans un contexte qui voit questionner la centralité des institutions sportives traditionnelles par le développement de l’offre privée et l’organisation autonome des pratiquants. Si elle apparaît dans cette perspective comme un obstacle supplémentaire à l’appropriation des pratiques par les populations ; la catégorisation performative des «sports de nature» s’avère également particulièrement dommageable en ce qu’elle participe, en mobilisant avec elle une partie du champ scientifique, à nous priver d’une véritable compréhension sociologique des pratiques des usages récréatifs de la nature.
Je n’ai pas souhaité aborder dans mon développement les raisons qui pourraient expliquer la participation d’une partie du champ des sciences sociales à la légitimation de la catégorie de «sport de nature». Cependant, s’il fallait émettre une hypothèse, j’imagine que le fait que la sociologie du sport demeure une spécialité dominée au sein de la discipline, le fait que les recherches dans cette branche soit en grande majorité rattachées, et dans une certaine mesure isolées, dans les départements de STAPS, qui sont des organismes plus proches des institutions sportives ou du moins, où la distinction entre recherche et professionnalisation est moins marquée que dans d’autres départements de sciences humaines14, doit participer à ce phénomène.
Dans cette première partie, on s’est introduit à la recherche sur les «sports de nature» à travers la critique méthodologique, conceptuelle et (un peu) politique de trois modèles d’écologisation produits au cours de la première décennie des années 2000 : c’est vieux ! (et pas très nouveau). La prochaine partie sera donc consacrée à un corpus de travaux plus récents, pas plus vieux que 2011 donc toujours un peu vieux des fois, et qui s’appliquent à problématiser d’une manière autrement plus intéressante (peut-être pas tous le temps, on verra) le récit naturaliste des «sports de nature».
Note additionnelle du 31/12/2024 : synthèse et conclusion véritable
Après avoir réalisé mes lectures pour la rédaction de la seconde partie, j’ai finalement décidé de ne pas produire ce nouvel article et de clore ici et maintenant le sujet de l’écologisation, d’en tirer les conclusions nécessaires pour me consacrer à des perspectives qui m’intéressent plus directement. À la place je propose ici une note abrégée qui s’intéressera assez peu aux démonstrations pour mieux favoriser les conclusions.
L’article devait originellement être composé du commentaire articulé de deux thèses de sociologie, celles de Ludovic Ginelli15 et de Sarah-Jane Krieger16, introduites par un article d’Antoine Marsac17. Je ne retiens finalement pas la thèse de Krieger parce que c’est vraiment pas fifou et j’en ai marre faire de la critique de truc pas fifou pour l’instant.
L’article d’Antoine Marsac portait sur l’évolution des sensibilités environnementales dans la pratique du Canoë Kayak en France, de la première moitié du XXe siècle à nos jours. Il y retrace à partir d’entretiens et d’un travail sur les archives du Canoë Club de France une histoire symbolique des rapports des kayakistes à l’élément aquatique depuis la première période naturaliste et touristique élitiste, l’introduction de la compétition, en passant par la pénétration progressives des préoccupations écologiques face à la pollution généralisée des cours d’eau, l’intensification de conflits d’usage durables notamment avec les pêcheurs, l’affiliation de la fédération française de canoë kayak (FFCK) avec le ministère de l’environnement en 1982, puis enfin, à partir des années 2000, l’adoption pleine du référentiel du développement durable dans les actions et la communications de la FFCK.
De cette enquête, je retiens premièrement la mention de l’influence de l’écologie politique dans le milieu des kayakistes à partir des années 1970 qui laisse penser que l’introduction des problématiques écologiques dans les pratiques de nature n’a pas attendu la fin des années 90 ou , au moins, que leur apparition n’est pas uniforme à travers l’ensemble des discipline. Cela laisse aussi penser qu’avant l’adoption d’un référentiel écologiques partagé et institutionnalisé par l’objectif de “développement durable”, les préoccupations écologiques de certains pratiquants ont pu être inspirées ou influencées par des pensées écologiques et des mobilisations plus radicales et politiquement conséquentes.
Deuxièmement, l’apparition, parallèle au développement des pratiques, de conflits entre écologistes, kayakistes et autres usagers de la rivière démontre clairement que l’écologisation ne représente pas un processus d’intégration normatif uniforme ou consensuel, mais au contraire, que l’introduction des logiques écologiques va de pair avec l’apparition de conflits d’usages et la confrontation de justifications parfois incommensurables.
Notre troisième remarque découle directement du point précédent : du fait des conflits d’usage, de justification écologique et des dépendance des kayakistes aux choix de règlementation des instances publique en matière d’accès, le développement des problématiques écologiques ou environnementales parmi les pratiquants et organisations sportives se lie intrinsèquement avec la problématique du libre accès à l’eau ou à l’espace de pratique de manière plus générale. Ces deux derniers points nous amèneraient plutôt à interroger de plus près les déterminants et le rôle argumentatif de cette recherche de «cohérence culturelle» des acteurs des sports de nature dans les conflits d’usage et la protection des intérêts propre des pratiquants à différentes échelles territoriales.
Enfin, en faisant écho au premier point relatif à l’apparition des sensibilités écologiques et à l’influence de l’écologie politique au sein des pratiques dès les années 1970, l’auteur remarque que les évolutions du vocabulaire employé par les organisations sportives - ici la fédération française de Canoë-Kayak - ne doivent pas nécessairement être assimilées à une évolution associée des sensibilités des pratiquants ou des politiques de ces organisations. Ainsi l’adoption du vocabulaire propre au développement durable à partir des années 2000 ne semble pas ici marquer d’évolution particulière autre qu’une modernisation sémantique. Ce point nous invite quant à lui à interroger l’authenticité des dynamiques d’écologisation chez les pratiquants et organisations au-delà des formules utilisées pour en rendre compte.
Dans son travail de thèse, Ludovic Ginelli reprend le constat de Marsac d’une absence de consensus écologique dans la pratiques des sports et loisirs de nature et donc de la non évidence du processus d’écologisation ici défini comme «Une entreprise de recadrage cognitif et normatif - un changement dans la manière de penser et de juger une conduite sociale - visant à une inflexion écologique plus ou poins forte des normes (légales ou implicites) et des pratiques sociales en vigueur dans le domaine considéré».
Cependant, là ou l’analyse de Marsac nous invitait finalement à chercher derrière l’adoption de discours écologiques ou environnementaux par les pratiquants et fédérations une stratégie rhétorique visant à défendre l’accès aux sites de pratiques dans un contexte d’intensification des conflits d’usage et de productions de nouvelles réglementations par les pouvoirs publics développant leur propres référant écologique sous la forme du «développement durable», Ginelli s’intéresse plutôt aux effets concrets de ce processus d’écologisation sur l’évolution des loisirs de nature, qu’ils se manifestent par des choix stratégiques, par compromis ou plus volontairement, ainsi qu’aux déterminants de l’adhésion ou au contraire de la résistance des pratiquants et des organisations sportives à l’introduction et au respect de nouvelles normes écologiques.
Ici, le choix des «sports et loisirs de nature» comme objet d’étude, que nous avons par ailleurs pas mal critiqué, est justifié par le cadre théorique de la thèse qui cherche à articuler la problématique de l’écologisation avec deux autres processus identifiables dans le développement des usages récréatifs de la nature. Il y a d’une part la naturalisation des espaces ruraux, c’est à dire la requalification tout au cours du XXe siècle d’espace ruraux marginalisés en «espace naturel» et en hauts lieux touristiques dédiés aux pratiques des amateurs de loisirs de nature, une population de plus en plus urbaine ; d’autre part, la sportivisation des loisirs et de notre société en général, c’est à dire l’extensions à l’ensemble des sphères sociales et des loisirs des normes de performance et de fair play, ici traduites en codes moraux qui régissent les règles du jeu entre adversaire, et plus spécifiquement en ce qui nous concerne, entre des pratiquants et les éléments naturels.
C’est ce rapport qui conduit l’auteur à faire l’hypothèse dans son introduction, en reprenant la théorie éliasienne de l’euphémisation de la violence, d’une continuité entre sportivisation et écologisation puisque celle ci mène à formaliser les règles d’un «bon usage» de la nature soit le cadre de la performance idéale dans le rapport non plus à l’adversaire, mais à l’environnement naturel. L’influence socio-historique de Norbert Elias s’arrête là cependant, car l’auteur s’attache vite à retraduire cette hypothèse pour plutôt interroger l’écologisation à partir d’un cadre conceptuel dérivé des sociologies pragmatistes, qui offrent selon lui une théorie sociologique de l’action, du jugement et de l’expérience bien mieux équipée pour comprendre les transgressions et les écarts à la norme. Ginelli choisi comme terrain d’étude les pratiques de chasse anciennes, du kayak de mer, de la chasse à l’arc et de la chasse sous-marine dans les espaces en partie protégés du bassin d’Arcachon et des Calanques de Marseilles.
Sans plus s’attarder sur les modalités de démonstration de ce travail de thèse, quels résultats peut-on dégager de l’enquête de Ginelli pour dresser un bilan de l’écologisation en tant que processus à l’œuvre dans les usages récréatif de la nature, mais aussi en tant que concept et objet d’étude sociologique ?
Premièrement, je retiens la thèse principale défendue par l’auteur, c’est à dire le fait que «lorsqu’on les observe “en action”, les normalisations écologiques actuelles, pourtant centrales et intériorisées, créent davantage de clivages et de tensions qu’elles ne fédèrent les amateurs de “sports et loisirs de nature”». Cette affirmation se pose en opposition totale à la premières génération de travaux sur l’écologisation que nous avons commenté ici et qui concevaient plutôt l’écologisation comme un phénomène global, évident et consensuel.
À propos de ces tensions générées par les normalisations écologiques, nous apprenons que la résistance des pratiquants et des organisations qui s’y opposent se présente souvent sous la forme d’une défense d’un espace-temps d’autonomie et de rapports pratiques à l’environnement spécifique aux dîtes pratiques ; une espace-temps et des rapports à l’environnement donc, qui sont inversés par rapport à l’espace-temps de leur quotidien, généralement caractérisé par l’urbanité, le temps professionnel et les contraintes qui lui sont associées. La gestion écologique gestionnaire et experte des espaces et des pratiques est donc perçu comme une menace pour leur autonomie et leur expérience pratique de l’environnement, une expérience qui serait largement ignoré des entrepreneurs d’écologisation ou seulement interrogé à partir de catégories gestionnaires tel que “l’impact” de tel ou tel usage sur l’environnement.
Ce point me semble bien correspondre à la notion de «rêve de survol social» utilisée par Audinet et ses collègues pour caractériser les expériences des amateurs de loisirs de nature9. Je cite ma propre synthèse : « Les pratiques des usagers de la nature s’inscrivent systématiquement dans le temps et l’espace du non-travail ; il s’y exprime communément un refus du monde et un désir de communion avec la nature, de mise à distance du quotidien et de rupture avec l’environnement urbain, ses bruits et son encombrement. ».
Si la notion de «rêve de survol social» désigne bien la forme aboutie de cet idéal de séparation libératoire du pratiquant du monde social conçue comme espace de contrainte et d’aliénation, alors on peut en effet, dans une certaine mesure, concevoir la résistance aux normalisations écologiques comme une forme de réaction à une expansion du monde social au delà de ses frontières habituelles, une expansion qui se ferait au prix de l’autonomie des pratiquants et de leur expérience singulière de l’environnement.
Cela dit, en action, ces résistances sont souvent tempérées par le besoin des pratiquants et des organisations sportives de composer avec les normes pour conserver leur accès aux espaces naturels convoitées : l’acceptation d’une forme de compromis est décisive en terme de légitimation publique. Sur ce point, là ou Marsac concevait surtout l’adoption du référentiel du développement durable par les kayakistes français à partir des années 2000 comme une modernisation sémantique, certes motivée par un soucis d’accès à l’eau, mais sans réelle implication pour leur rapport à l’environnement, Ginelli insiste sur les conséquences matérielles concrètes de ces compromis sur les pratiques et leurs évolutions.
Une de ces conséquences pourrait être le partage de la norme d’exemplarité écologique par l’ensemble des groupes interrogés par Ginelli, qu’ils soient proches ou adverse de l’écologie gestionnaire et experte. Que ce soit par le recours aux catégories de l’écologie gestionnaire, des conceptions particulières ou alternative de l’écologisme, par la valorisation d’un savoir environnemental propre à leur pratique, ou encore par disqualification écologique d’autres usagers, tous se montrent capable de mobiliser une forme de registre écologique ou environnemental pour justifier le droit de leur pratique à exister face aux enquêtes gestionnaires ou aux accusations émanant de la société civile.
Nous l’avons compris désormais : le partage de la norme d’exemplarité écologique ne doit pas être confondue avec un consensus des acteurs au sujet de l’écologisation. Au mieux, ce phénomène démontre qu’il n’est raisonnablement plus possible de défendre la légitimité publique d’une pratique en ayant recours à une rhétorique explicitement hostile à toute prise en compte des enjeux environnementaux.
De fait, tous les recours à l’exemplarité écologique ne se valent pas : l’enquête de Ginelli nous permet d’affirmer que la conformisation au registre individualisant expert et gestionnaire par les acteurs est nécessaire pour se faire entendre dans les instances de negotiation. Ainsi en cas de désaccord et pour qu’elle soit prise en compte, la contestation de la normalisation écologique exige une appropriation du registre expert ; un phénomène que l’auteur associe à une tendance plus générale à la “techno-écologisation” des politiques environnementales.
À propos de la tendance à la techno-écologisation, il me semble important de remarquer qu’en tant qu’élément de contestation même, la critique des dérives technocratiques demande à être précisée tant elle peut être mobilisée par des acteurs aux positionnements politiques divers. Plus précisément je pense que cette critique est facilement employée pour caractériser toute entreprise d’écologisation venu de l’extérieur (c’est à dire venant du monde social, politique, professionnel, c’est à dire extérieur au monde idéalisé de l’expérience du pratiquant) qui voudrait questionner la légitimité d’un usage ou remettre en cause l’autonomie d’un groupe d’usager.
Il faut aussi faire remarquer le rôle que joue dans cette confusion l’affinité qui existe entre le registre écologique expert et les préférences des groupes sociaux qui en font le plus grand usage, ceux pour qui elle est une grille d’analyse politique à part entière, et ceux qui aussi souvent participent à sa production dans leur activité professionnelle : des préférences qui favorisent d’un côté les pratiques communément perçues comme “douces” ou “éco-compatible”, favorables aux usages partagés, à une appréciation paysagère, naturaliste, peut être même patrimoniale de l’environnement naturel, et de l’autre, ceux qui voient d’un œil plus suspicieux des pratiques plus bruyantes, qui impliquent directement de consommer du carburant, de produire du “dérangement” ainsi que certaines pratiques de chasse anciennes qui seront jugées cruelles là où d’autres, comme la chasse à l’arc, seront plus facilement acceptées. Ici, l’articulation incertaine entre sportivisation et écologisation revient en tête tant éthique environnementale et éthique sportive se recoupent dans les distinctions opérées.
Cette capacité de résistance à la critique entretenue par la norme d’exemplarité écologique et l’opposition entre les deux espaces-temps du loisir et du social nous amène à relativiser la force explicative du cadre pragmatiste : les tentatives de normalisation écologique des pratiques ne donnent pas nécessairement lieu à des situations de trouble dans l’expérience des usagers, elles ne donnent donc pas lieu non plus à des enquêtes, d’autant moins que l’on prend en compte la réticence des pratiquants mis en cause à se référer à la pensée écologique :
« En dépit de sa forte institutionnalisation, l’écologisation des loisirs de nature reste, selon nos observations, confinée à des publics familiers des savoirs experts et des logiques gestionnaires. En ce sens, elle n’est pas un “véritable problème public”, qui engagerait “tout le public, et pas seulement sa fraction la mieux dotée en capitaux de toutes espèces” »15
Tant qu’il est question du cadre théorique adopté par Ginelli, et même si celui ci s’applique aussi à souligner ses limites dans l’étude des phénomènes socio-environnementaux, je dois bien avouer que j’ai été assez peu convaincu par la capacité de l’approche pragmatiste et de ses inspirations à déterminer et contraindre les données issues de l’observation et des entretiens en raisonnement intéressants, si ce n’est justement pour remettre en question la pertinence même de cette approche. J’étais rendu d’autant plus suspicieux quand la justification de ce choix s’appuyait sur la distinction par rapport à d’autre cadres théorique, notamment le déterminisme sociologique et le constructivisme, dont le portrait dressé m’est apparu surprenamment naïf ou simpliste dans le cadre d’une thèse de sociologie.
Revenons à notre écologisation. Il m’est intéressant de noter la faible interaction entre les registres de l’écologisation et la grande majorité des expériences environnementales déja constituées qui font la pratique des amateurs de loisirs et sports de nature. Je suis tenté de me demander ce que cela pourrait vouloir dire de pratiquer concrètement une forme ou une autre d’écologisme à l’échelle de l’expérience environnementale ; si cela fait sens de parler d’une pratique de l’écologie experte ou bien si l’écologisation se joue nécessairement dans une dynamique entre un temps de pratique idéalisé et un temps social qui viendrait encadrer en amont, a posteriori ou dans des moments de rupture la compatibilité de nos expériences avec un ensemble de normes. Il est vrai que cette seconde option ressemble à s’y méprendre à du sport.
Pour ma part, je suis plus intéressée par l’idée d’une expérience environnementale d’écologisation fondamentalement intégrée car consubstantiel à tel pratique, à l’intérêt même de tel pratique, plutôt qu’une expérience déja constituée qui serait conformisée. Ce que cela veut dire, si c’est possible, ou même si cela à un sens, cela demanderait à être exploré. Ce qui est certain, c’est que cela demanderait de concevoir des pratiques, des expériences et un cadre théorique assez inédit. Je reviendrais sans doute dans une série d’article ultérieurs sur la façon dont la notion très équivoque “d’exploration” peut servir de base à ce travail créatif, conceptuel et pratique.
Allons vers notre conclusion. Nous l’avons assez ressassé et personne n’apprendra rien ici : l’écologisation actuelle se caractérise par un registre expert et gestionnaire et son pendant normatif et individualisant représenté par les normes d’éco-responsabilité et d’exemplarité écologique. Référentiel contemporain des politiques environnementales, la “modernisation écologique” selon les mots de Marc Mormont18 réalise « un compromis savant entre la vision néolibérale et les critiques environnementales. » qui diffère radicalement du projet originel de l’écologie politique telle qu’elle se manifeste à partir des années 1970 :
« Il ne s’agit plus de sortir du capitalisme, de rejeter les technologies et l’idéologie du progrès mais de trouver la voie d’un “développement durable”, ou plus récemment d’assurer la “transition énergétique” de nos sociétés »15
Finalement, confronté aux effets concrets des politiques environnementales, nous sommes amenés à questionner la pertinence des normalisations écologiques actuelles. En observant d’une part les effets décevants des politiques environnementales, leur incapacité à influer sur les principaux déterminants du réchauffement climatique et des atteintes à l’environnement lorsqu’elles se concentrent uniquement sur la régulation des usages sans questionner les modes de développement des sociétés, puis d’autre part en observant ses effets sociaux délétères, à savoir un rejet important des entreprises d’écologisation, plus ou moins explicite selon les usages, du fait de la mobilisation exclusive du principe de responsabilité, du registre de l’expertise et de la prégnance d’un certain “sentiment d’injustice” vis à vis du manque de conséquences politiques dans d’autre secteurs, en premier lieu l’industrie.
Est-ce à dire que sous le beret de chaque chasseur tradi-réac réside en fait, enroulé sur lui même, le petit mulot endormi de Murray Bookchin (respect sur son nom) ? Non, bien sur que non ! Il y a peut-être une petite souris, mais la souris ne sait pas. Est-ce à dire sinon (non) que la totalité des tensions qui émergent entre usagers de la nature et écologisation est nécessairement le produit spécifique de la branche gestionnaire de l’écologisme ? Nonnn, sans doute pas ! Ne vous inquiétez pas ! Quoi qu’il arrive, il y aura des adversaires. Je n’ai pour ma part aucune considération pour la préservation des pratiques qui impliquent de tuer des gusses pour le fun ou le plaisir gustatif et : vous le voyez bien : je ne suis pas gestionnaire, ni même expert.
Finissons-en. Insatisfait et confus face aux discours des pratiquants des «sports de nature» et la communication des organisations sportives, nous nous sommes penché sur l’hypothèse de l’écologisation des sports de nature :
Au début des années 2000, l’inquiétude des pouvoirs publics face à la démocratisation des pratiques de nature, l’autonomisation des pratiquants, le développement accéléré des territoires et de l’offre privée entraîne un volontarisme et un renouveau des référentiels en matière de gestion des espaces naturels en faveur d’un «développement durable des sports de nature». C’est dans ce contexte particulier, motivé par l’actualité du sujet, mais aussi par des commandes des ministères et pouvoirs déconcentrés, que se développe une demande pour la production de travaux sociologiques censés permettre de mieux comprendre les pratiques de ces nouveaux usagers.
L’idée d’une écologisation des sports de nature - c’est-à-dire ici d’une révolution paradigmatique du cadre général des loisirs et des motivations des usagers qui dériverait elle même d’un changement de perception plus global de la population par rapport à l’environnement ou à la «nature» - est portée par un ensemble d’auteurs plein d’enthousiasme pour la grande transformation, le grand saut dans le grand éco-bain de l’immersion-fusion dans la nature naturelle. Plus souvent encore, l’écologisation idéalisée est relayée à travers la notion de «besoin de nature» ou d’«amour de la nature», dans une série sans fin d’enquêtes et de rapports publics sur les «sports de nature» ; des travaux de commande censé servir l’action gestionnaire des pouvoirs publics ; des travaux à la méthodologie très faible, qui transmettent sans reconstruction sociologique les discours typiques des usagers ; des travaux dont nous avons pu bien formuler la critique à partir de la synthèse des analyses de Laetitia Audinet et de ses collègues au sujet des «sports de nature» en tant que catégorie de l’action politique.
Finalement, une deuxième génération de travaux, plutôt maigre il faut bien dire, s’attache à montrer qu’il ne se passe en fait pas grand chose de neuf, que dans leur grande majorité, les pratiquants entretiennent des sociabilités, défendent leur espace-temps et leurs expériences en composant plus ou moins volontairement avec des nouvelles contraintes institutionnelles, la norme d’exemplarité écologique, la multiplication des usages, leur démocratisation et la généralisation du référentiel écologique gestionnaire ; qu’en fait on a surtout sauté dans le compromis de la modernisation écologique et que ça résout pas grand chose au réchauffement climatique, ni à la dégradation quotidiennes des environnements naturels et de nos lieux de vies. Je crois que je savais déja un peu ça alors j’aurais bien aimé que la thèse de Ginelli commence par sa conclusion, mais cette lecture nous aura quand même permis de clarifier un peu les dynamiques entre organisations sportives, usagers et instances de normalisation.
Au delà des conclusions politiques générales qu’impose ce constat, je vois dans cette situation une opportunité pour ceux que ça intéresse de crafter des nouvelles expériences environnementales stylées à tous les angles de vue ; de composer des manuels bizarres pour des sous-pratiques qui n’existent pas !
J’entends par là qu’il faut imaginer des nouvelles pratiques environnementales certes, mais aussi surtout imaginer des nouvelles raisons ou des nouveaux objectifs qui viendraient dicter la forme de ces pratiques. La recherche de “plaisir” n’est pas un objectif significatif ; elle ne dit rien des contextes ni du cadre de nos expériences. C’est-à-dire aussi que ça va deux secondes de sortir juste pour courir vite et loin ; ça va aussi deux secondes l’échappée Jean-Jacques Rousseau role-play dans la wilderness sauvage de la solitude épique. La ballade de décompression émerveillante n’est pas non plus très satisfaisante.
On aimerait pouvoir voir dans nos expériences de l’environnement quelque chose de plus significatif et de plus émancipatoire qu’un espace-temps de consolation, de pause ou au contraire de reconduction des logiques de performance ; autre chose qu’une allégorie de l’entrepreneuriat ; autre chose qu’un support inspirant de développement personnel nul ; autre chose que le support d’une fantaisie escapiste ou nostalgique ; autre chose encore qu’un remède palliatif à des sociabilités toujours contraintes par le travail.
Du point de vue des sciences sociales également, on aimerait pouvoir passer outre cette production mystifiante émanant principalement des STAPS qui a comme répondu, de la pire façon imaginable, à l’appel de Bernard Kalaora pour une nouvelle approche «phénoménologique» dans l’étude sociologique des usages récréatifs de la nature1. Il en résulte une sociologie de l’expérience corporelle sans enjeux, une sociologie qui «explore des perspectives», qui «propose une réflexion» ; une sociologie dont il n’est pas clair si elle cherche à produire un cadre d’analyse alternatif ou bien alors un cadre de pratique sportif thérapeutique d’initié, une sorte d’occultisme pour cadres et professions intellectuelles supérieures mention «futur professeur émérite accusé de plagiat» ; une sociologie qui a fait de «l’excès de vitesse sociologique»2 sa méthodologie et qui adopte pour cadre théorique un syncrétisme toujours en expansion de traditions philosophiques et sociologiques qui ne semblent jamais se contredire, et dont il s’agit de venir plaquer les concepts mal appropriés sur des discours de pratiquant à éclairer, mais jamais d’en interroger la portée ou la production ; une sociologie qui depuis plus de 20 ans maintenant prend pour seul point d’accroche l’actualité, jamais questionnée, toujours renouvelée d’un intérêt croissant des populations pour les sports de nature19.
Finalement, ce qu’on a appelé «besoin de nature» et ce qu’on a reconstruit comme «rêve de survol social» est avant tout le fait de la naturalisation et de la dépolitisation avancée des espaces-temps du quotidien nul. L’opportunité créative que je mentionnais plus tôt n’a pour moi de sens que si elle est adossée à une démarche de politisation de nos pratiques de loisirs. L’audace de croire avoir trouvé la porte de sortie de la société au fond d’un kayak ! L’ennui mortel face à aux essais de thérapeutique psycho-mystique pour sujet moderne aliéné™ ! Je pense qu’il y a des choses plus intéressantes à faire dehors.
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Kalaora, B. (2001). À la conquête de la pleine nature. Ethnologie française, 31, 591‑597. ↩︎ ↩︎
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Passeron, J.-C. (1987). Attention aux excès de vitesse : Le « nouveau » comme concept sociologique. Esprit, 125, 129‐134. ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎
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Kalaora, B. (1993). L’environnement et le sociologue : la longue marche vers la science pragmatique. Natures Sciences Sociétés, 4, 309‐310. ↩︎
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Catton, W. R., & Dunlap, R. E. (1978). Environmental Sociology: A New Paradigm. The American Sociologist, 13, 41‐49. ↩︎
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Candau, J., & Deldrève, V. (2015). Environmental sociology in France (1984-2014). Review of agricultural and environmental studies, 96, 17‐18. ↩︎
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Demeulenaere, E. (2017). L’anthropologie au-delà de l’anthropos. Un récit par les marges de la discipline. In G. Blanc, E. Demeulenaere, & W. Feuerhahn (éds.), Humanités environnementales. Enquêtes et contre-enquêtes (p. 43‐73). Editions de la Sorbonne. ↩︎
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Bessy, O., & Mouton, M. (2004). Du plein air au sport de nature. Revue EP.S, 309. ↩︎
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Bourdieu, P., Chamboredon, J.-C., Passeron, J.-C., & Pasquali, P. (2021). Le métier de sociologue (Nouvelle édition). Éditions EHESS. ↩︎
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Audinet, L., Guibert, C., & Sébileau, A. (2017). Les sports de nature: une catégorie de l’action politique en question. Éditions du Croquant. ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎
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Ce paragraphe à charge se réfère implicitement là bas, et explicitement ici, à l’émersiologie, la philosophie de Bernard Andrieu, ainsi qu’aux travaux sociologiques de tous ses disciples et collègues. L’omniprésence de ces références dans la production académique des STAPS sur les sports de nature aura beaucoup compliqué mes recherches sur l’écologisation. ↩︎